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Tardis, ‘Développer des voies sûres et légales pour les réfugiés LGBTQI+’, 2024

Matthieu Tardis, ‘Développer des voies sûres et légales pour les réfugiés LGBTQI+: un état des lieux en Allemagne, en France et en Italie’, Synergies Migrations, avril 2024

Résumé

Les voies sûres et légales sont des mécanismes qui permettent à des personnes en besoin de protection internationale, généralement déjà réfugiées dans un premier pays d’asile, d’être transférées de manière sûre, légales et organisée vers le territoire d’un pays dans lequel elles pourront trouver une protection et construire une nouvelle vie. Ces mécanismes sont particulièrement nécessaires pour les personnes menacées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre qui, du fait même de ce motif de persécutions, sont moins en mesure de quitter leur pays en toute sécurité et sont davantage exposées à des violences sur les routes migratoires.

À la différence du Canada où des programmes ciblent cette population, les réflexions sur l’inclusion des réfugiés LGBTQI+ dans les voies légales dans l’Union européenne sont encore à un stade embryonnaire alors que ces mécanismes se développent et se diversifient en Europe. Cette étude vise à offrir un panorama des voies légales pour les minorités sexuelles et de genre en Allemagne, en France et en Italie. Elle entend identifier dans quelle mesure elles sont inclues, délibérément ou pas, dans les programmes existants, selon quelles modalités et s’il existe des pratiques ad hoc plus spécifiques à ces réfugiés.

En raison de leurs vulnérabilités, beaucoup de réfugiés LGBTQI+ remplissent un ou plusieurs critères des programmes gouvernementaux de réinstallation. C’est également le cas pour les programmes de parrainage privé par lesquels des organisations de la société civile et des groupes de citoyens accueillent et accompagnent des réfugiés Or, bien que nous manquions de données statistiques sur le nombre de réfugiés LGBTQI+ réinstallés, il semble qu’ils soient très peu à bénéficier de ce type de voies légales en raison de leur isolement et des craintes qu’ils ont toujours dans les pays de premier asile. L’enjeu est alors de mettre en place des procédures d’identification et de sélection adaptées à leur situation dans un climat de bienveillance, de tolérance et de compréhension des réalités que vivent ces réfugiés. La coopération avec des organisations locales de défense des droits est alors importante pour atteindre les personnes LGBTQI+ ce que des partenaires des couloirs humanitaires français et italien commencent à entreprendre.

C’est encore le plus souvent par des mécanismes de visas humanitaires que des personnes issues de minorités sexuelles et de genre arrivent à atteindre l’Europe. C’est le cas en France et, dans une moindre mesure, en Allemagne où des organisations de défense des droits des personnes LGBTQI+ se sont saisies de ces outils. Mais il s’agit de pratiques restreintes, discrétionnaires, peu transparentes dont l’issue n’est jamais certaine. Au final, elles profitent principalement à des personnes militantes intégrées dans des réseaux internationaux. Le programme allemand d’admission humanitaire de personnes afghanes constitue une première expérience d’ampleur de réfugiés LGBTQI+ en Europe. À ce jour, c’est un échec ce qui interroge à nouveau sur l’accessibilité à ces procédures pour les réfugiés LGBTQI+.

La réunification familiale occupe une place à part dans l’arsenal des voies légales puisqu’il s’agit d’un droit fondamental. Si les familles queer sont désormais mieux reconnues, cette égalité ne s’étend pas aux familles des réfugiés LGBTQI+, particulièrement en Italie et en Allemagne. Dans ces deux pays, seuls les couples mariés peuvent bénéficier de la réunification familiale ce qui exclue, de fait et de droit, les couples LGBTQI+. Le cadre juridique est plus libéral en France où les réfugiés LGBTQI+ peuvent faire venir leur partenaire hors mariage. Mais ils sont alors confrontés à la difficulté de prouver une relation stable et durable dans un contexte où leur union était le plus souvent cachée.

Il ressort de cette étude qu’il y a encore des efforts considérables à faire pour mieux inclure les réfugiés LGBTQI+ dans les programmes de voies légales en Allemagne, en France et en Italie. Toutefois, nous constatons une meilleure sensibilité à cette question de la part des gouvernements allemand et français mais surtout de la part des organisations de la société civile des trois pays. Une montée en compétence s’impose ainsi qu’une plus forte coopération entre des associations d’aide aux réfugiés et des associations de défense des minorités sexuelles et de genre. Cependant, ces efforts risquent d’être vains sans mobilisation de ressources supplémentaires de bailleurs publics et privés et surtout sans la mobilisation des communautés LGBTQI+ d’Allemagne, de France et d’Italie.

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